Hier, au moment où Elyes Fakhfakh poursuivait ses consultations à Dar Dhiafa, le président du Conseil de la choura d’Ennahdha, Abdelkrim Harouni, a imprimé sur les ondes de Radio Mosaïque un nouveau ton au processus de formation du prochain gouvernement en affirmant que «les partis révolutionnaires» considérés comme l’épine dorsale du prochain gouvernement Fakhfakh ne sont pas aussi intègres qu’ils le laissent croire
Ennahdha a-t-il décidé de couper les ponts avec Elyes Fakhfakh, le chef du gouvernement désigné, et avec «les partis autoproclamés révolutionnaires» dont ce dernier s’est entouré dès sa désignation par le Président Kaïs Saïed et son installation à Dar Dhiafa pour la formation de sa future équipe ministérielle et le choix des membres qui la composeront (28 ministres et un secrétaire d’Etat selon la dernière révélation – déclaration de Fakhfakh lui même) parmi les partis et coalitions qui ont accordé leur soutien au locataire actuel du Palais de Carthage lors du second tour de l’élection présidentielle, le dimanche 13 octobre 2019.
On pressentait, depuis la tenue, dimanche dernier, d’une session exceptionnelle du Conseil de la choura d’Ennahdha et son appel adressé à Elyes Fakhfakh pour «élargir les consultations de formation du gouvernement» tant attendu, une réaction claire et nette des nahdhaouis rompant avec les formules diplomatiques d’usage et dévoilant la colère, l’amertume et la déception ressenties par les ténors de Montplaisir et aussi les barons nahdhaouis installés au Palais du Bardo quant à l’approche suivie par Elyes Fakhfakh et encouragée par certains partis «considérés révolutionnaires par le chef du gouvernement désigné comme s’il disposait du monopole ou de la concession (Lizma en arabe) de classifier les Tunisiens» dans l’objectif de mettre Ennahdha à l’écart et d’en faire une formation politique à l’instar des autres «petits partis» nés à la faveur de la révolution.
Hier, Abdelkrim Harouni, président du Conseil de la choura d’Ennahdha, a pris son courage à deux mains pour dévoiler publiquement ce que les nahdhaouis déçus de la démarche suivie par Elyes Fakhfakh répètent aussi bien dans les couloirs de leur parti à Montplaisir que dans ceux du Parlement au palais du Bardo et pour tirer à boulets rouges sur les deux partis autoproclamés chantres de la lutte contre la corruption et fers de lance de «la pureté révolutionnaire, de l’intégrité militante et de la propreté morale et matérielle», à savoir Attayar dont «le responsable financier, dévoile-t-il est actuellement en prison pour présomption de corruption» et Echaâb «dont le secrétaire général Zouheïr Mghzaoui s’est allié avec Qalb Tounès pour faire tomber le gouvernement propre de Habib Jemli et qui n’a pas hésité à se joindre à Nabil Karoui le jour où il a annoncé la création de ce qu’il a appelé un front parlementaire, annonce intervenant quelques minutes après la chute du gouvernement Jemli».
Fakhfakh balise la voie de l’échec de son propre gouvernement
Et Harouni de pousser sa colère jusqu’à se permettre de déclarer «qu’il existe des forces dites révolutionnaires que nous soupçonnons de s’activer contre la révolution» et de lancer une bombe qui aura des retombées dont personne ne pourrait mesurer l’ampleur, en soulignant le plus crûment: «Pour nous, il n’existe pas de différence entre Attayar et Qalb Tounès, les deux partis disposant de députés qui représentent la Tunisie».
Autrement dit, le parti Qalb Tounès, considéré comme «le foyer des corrompus et des corrupteurs», ne diffère en rien d’Attayar, «le berceau de la transparence, de la propreté et de la militance contre la corruption».
Hassouna Nasfi, secrétaire général de Machrou Tounès et président du bloc parlementaire «la Réforme nationale», s’aligne sur la position d’Ennahdha en appelant Fakhfakh à réviser son approche de consultation avec les partis politiques en vue de la constitution de son gouvernement. Il n’attaque personne frontalement, contrairement à Harouni qui a porté des accusations contre Attayar et Echaâb.
Il se contente de qualifier la démarche suivie par Fakhfakh de «fausse méthodologie indigne d’un chef de gouvernement qui cherche à s’assurer le soutien d’une ceinture parlementaire aussi large que possible en vue de voir son équipe ministérielle obtenir la confiance des députés». Hassouna Nasfi affirme: «La décision de Machrou Tounès de boycotter les concertations de formation du gouvernement et d’élaboration de son programme revient à la fausse démarche adoptée par Fakhfakh à l’égard des blocs parlementaires et des partis politiques (insinuant, mais sans le dire expressément, l’exclusion de Qalb Tounès), estimant qu’il est en train de commettre les mêmes fautes que Habib Jemli.